« Du bon usage des conditions générales » par Elisabeth GRUNBERG, avocate à La Haye

Sommaire de cet article

– Quel contexte pour le travailleur indépendant francophone aux Pays-Bas ?
– Les bonnes pratiques du travailleur indépendant
– Et la langue utilisée ?
– L’utilisation des conditions générales
– Autres conseils

Quel contexte pour le travailleur indépendant francophone aux Pays-Bas ?

Prenons comme point de départ le cas répandu du travailleur indépendant (« zelfstandige ») francophone aux Pays-Bas : il s’agira d’un particulier immatriculé à la Kamer van Koophandel dans la catégorie eenmanszaak, prestataire de services, sans structure juridique ni capitaux, sans salariés mais avec des partenariats divers et, naturellement, un ou plusieurs clients. Cette situation est communément désignée par l’appellation ZZP sans que ce sigle ne soit défini juridiquement.
Dans la relation avec ses clients, notre travailleur indépendant peut être confronté à des discussions sur la bonne exécution de sa prestation, à un retard de paiement de sa facture, ou même voir sa responsabilité engagée du fait de conséquences défavorables dans l’exécution de sa prestation.
Or, notre travailleur indépendant, qu’on suppose par définition étranger et peut-être arrivé aux Pays-Bas récemment, contracte mal. Si le client est une grosse entreprise, celle-ci fournira le contrat et notre travailleur indépendant n’aura vraisemblablement pas de marge pour négocier les clauses de type juridiques, à supposer qu’il en comprenne l’enjeu. Dans d’autres cas, la commande se formera par échange de courriels ou au moyen d’un vague bon de commande qui se limite aux conditions commerciales (prix, description sommaire du service).
Cette pratique est pauvre et expose le travailleur indépendant à des risques financiers, ou tout simplement à des tracasseries évitables.

Les bonnes pratiques du travailleur indépendant

En travailleur indépendant « pro », vous avez vos propres conditions générales, adaptées à votre activité. Vous pouvez vous inspirer de modèles en ligne mais il est certainement préférable de disposer de conditions générales sur mesure.
– Vous vous présenterez de façon beaucoup plus professionnelle.
– Vos conditions générales épouseront votre profil professionnel, ce qui va optimiser la gestion des risques.
Nul besoin de faire plusieurs pages de petits caractères illisibles ; vous disposerez d’un document facile et agréable à lire, qui décrira en langage simple, compréhensible par le monde extérieur, ce que vous faites et ce à quoi chaque partie s’engage.
Le contenu est variable mais il abordera généralement les points suivants :
– Une description du service rendu en langage ordinaire – autrement dit, votre jargon de tech de pointe devra être « traduit » en langage compréhensible par tous, et notamment par un juge non assisté d’un expert.
– L’indexation annuelle du tarif, la facturation, le délai de paiement,
– La durée du contrat ou de la mission, la résiliation, le renouvellement,
– Une limitation de la responsabilité,
– Le sort des données personnelles échangées,
– Le droit applicable et le règlement des conflits : conciliation – médiation – tribunal compétent.

Et la langue utilisée ?

Un contrat soumis au droit néerlandais peut tout à fait être rédigé dans une autre langue. Seulement, en cas de litige aux Pays-Bas, il faudra fournir une traduction. Si un document en langue anglaise sera peut-être accepté sans traduction, il en ira autrement d’un document rédigé en langue française. Le mieux étant évidemment d’utiliser le néerlandais.

L’utilisation des conditions générales

Vos belles conditions générales ne vous serviront à rien si elles ne sont pas acceptées par votre client ! Chaque bon de commande, document de mission ou échange de courriels pour une mission mentionnera explicitement que la prestation est soumise à vos conditions générales, qui seront jointes. Certaines applications de comptabilité, telles que Moneybird par exemple, vous permettent d’envoyer un devis avec les conditions générales jointes, et le clic d’acceptation du devis par votre client emportera acceptation de vos conditions générales.
Pour une mission unique, vous pourrez intégrer le texte de vos conditions générales dans un contrat de mission.
Et si le contrat est conclu avec la grosse entreprise qui ne travaille qu’avec ses propres documents, vous pourrez passer en revue ces derniers et vérifier leur compatibilité avec vos propres conditions générales. Vous pourrez toujours, en parallèle, envoyer vos propres conditions générales, car même si elles ne sont finalement pas utilisées, ça fait « pro » et le message est passé que vous revendiquez votre autonomie en la matière.

Autres conseils

Souscrire une « BAV »
La BAV est la – prenez votre élan – beroepsaansprakelijkheidsverzekering, autrement dit l’assurance responsabilité civile professionnelle. En fonction de votre activité, il peut être prudent de la souscrire. Il est courant aux Pays-Bas de limiter sa responsabilité au montant pour lequel on est assuré au titre de la BAV. [A ne pas confondre avec la bedrijfsaansprakelijkheidsverzekering qui couvre le cas où par exemple vous blessez accidentellement un employé de votre client. Le moyen le plus simple de les distinguer est par leur tarif, la prime pour la deuxième étant environ 10 fois moins élevée que pour la première. On peut naturellement souscrire les deux.]

Pour les petits litiges
La Geschillencommissie, organisme national néerlandais de règlement de petits litiges (www.degeschillencommissie.nl), propose une médiation simple et peu onéreuse dans la relation avec vos clients tant particuliers (consument) que entreprises (zakelijk). Le recours à cette commission doit avoir été convenu avec votre client, et peut faire partie de vos conditions générales.

A propos d’ Elisabeth GRUNBERG, avocate

Aux Pays-Bas depuis 2000, j’exerce comme avocate à La Haye, inscrite au barreau de Paris et comme avocate européenne au barreau de La Haye. Je suis spécialisée dans le droit civil et commercial français et experte des procédures et situations transfrontalières, en particulier France / Pays-Bas.
Site internet : www.pontneufadvocatuur.nl

A propos de cet article

Cet article fait partie du guide de l’autoentrepreneur (ZZP) aux Pays-Bas