Dans cette dimension interculturelle qui analyse le degré d’indépendance et de liberté d’un individu dans le groupe, les Français et les Néerlandais sont considérés comme de grands individualistes : l’intérêt personnel et la vie privée étant prioritaires : l’individualisme peut se définir comme « une orientation fondamentale vers soi-même » et le collectivisme comme « une orientation fondamentale vers des buts et des objectifs communs ».
Néanmoins, la culture néerlandaise nous offre un contraste assez étonnant d’une culture fortement individualiste encadrée par des normes comportementales d’autant plus puissantes qu’elles sont inconscientes (conformisme social). Cette apparente contradiction peut s’expliquer par le consensus néerlandais qui illustre avant tout une volonté réelle de s’accorder. L’organisation commune est un outil au service des intérêts de chacun et de ses libertés fondamentales.

Un attachement au groupe (conformisme social)

Depuis leur plus jeune âge, les Néerlandais sont « formatés » avec un attachement au groupe (appartenance ou soumission plus ou moins inconsciente) comme un nécessaire « garde-fou » préalable aux excès d’un individualisme favorisé et décomplexé. Ce formatage produit un conformisme puissant qui s’expriment aux travers de pratiques sociales telles que le consensus et l’adhésion aux projets de changement, l’évaluation et le contrôle permanent (individuel et collectif). Les Néerlandais jouissent de grandes libertés individuelles et ils y sont profondément attachés, mais ils savent qu’elles ne peuvent exister qu’à la condition qu’un socle de normes comportementales soit respecté. Ci-dessous, quelques expressions populaires très importantes qui illustrent ce formatage social :
• « Fait comme tout le monde, c’est déjà assez fou » (Doe maar gewoon, dan doe je al gek genoeg) : l’individu doit se soumettre à l’exigence morale du groupe et éviter de se distinguer trop fortement. Les comportements individuels de vanité sont ainsi « tués dans l’œuf ». C’est une sorte d’inclusion forcée qui rappelle à chacun qu’il appartient d’abord au groupe et que son comportement doit s’y conformer.
• « La tête qui dépasse sera coupée » (Als je je hoofd boven het maaiveld uitsteekt, wordt het afgehakt) : les Néerlandais ne veulent pas qu’un groupe ou qu’un individu prennent une place trop déterminante (ici, pas de culte de la personnalité, pas d’hégémonie)
• « Faire ensemble, être ensemble » (Samen doen, samen zijn) ; ce n’est pas une expression mais c’est une phrase qui est souvent à la base de nombreuses initiatives pour rappeler le plaisir d’appartenir au groupe ou le devoir de trouver des solutions ensemble. On dit également souvent « samen uit, samen thuis » (sortir ensemble, à la maison ensemble) qui dans le cas d’une fête peut être appliqué au pied de la lettre et véhicule la même idée d’attachement au groupe.

De grandes libertés individuelles (individualisme fort)

L’individualisme est favorisé et sans complexe. Chacun bénéficie de grandes libertés fondamentales (liberté d’expression, d’opinion, de religion, etc.) et les droits des minorités (genre, ethnique, religieuse, orientation sexuelle, handicap) sont importants.

Tolérance ou indifférence sur les questions de société ?

Les Néerlandais sont progressistes (ils croient en leur capacité d’adaptation aux changements et à la nécessité d’améliorer les situations) et ont une approche pragmatique (et non dogmatique) sur les questions de société. Ils apportent donc des solutions originales et souvent innovantes, qui peuvent être qualifiées de progrès ou d’avancées. Ces avancées, pour le meilleur (ouverture de nouveaux droits) ou pour le moins pire (atténuer des méfaits ou des comportements déviants), sont le fruit d’un débat et d’une attitude raisonnée tout autant que pragmatique. Ainsi, sur les questions de société (drogues douces et dures, droits des minorités, fin de vie, prostitution, etc.), ils adoptent des mesures ou des règles qui ont pour objet d’encadrer ou de contrôler plutôt que d’ignorer. C’est à chacun de juger si c’est de la tolérance ou de l’indifférence.

Exemple : sur la question des drogues douces et notamment du cannabis, les autorités en interdisent officiellement leur production mais tolèrent leur commerce – contrôlé – via les coffee shop. Est-ce hypocrite, est-ce un bien ou un moindre mal ? C’est leur réponse, avec un souci d’efficacité, pour apporter plus de contrôle sur ces activités (également sur la qualité des produits en circulation) et pour réduire la criminalité (liée au trafic illicite) qui gangrènerait – comme on le voit dans d’autres pays – une partie de sa jeunesse. La législation néerlandaise évolue pour accentuer le contrôle de la production du cannabis afin de mieux protéger la santé des consommateurs et de préserver l’ordre public.

Cet article a été rédigé par Tanguy LE BRETON

Il fait partie des publications suivantes :


– Le dossier « Les Néerlandais et leur culture »
– Le guide de l’entrepreneur individuel francophone aux Pays-Bas