Si la plupart des valeurs fondamentales de la culture néerlandaise se retrouvent dans la culture française, leur degré d’importance (priorité) et leur traduction en normes comportementales, peuvent expliquer les nombreuses différences culturelles. La liberté, par exemple, n’est pas la première des valeurs et son usage individuel reste soumis à l’intérêt du groupe. Si les Néerlandais sont avant tout attachés à leur collectif, ils aspirent à un monde façonné par des valeurs telles que la paix et l’entente sociale, l’équité, la responsabilité, la confiance et la liberté. Sur le plan des comportements induits par ses valeurs, les Néerlandais sont en générale actifs et réactifs (entreprenants et participants), pragmatiques (efficaces et consensuels à la recherche de solutions), équilibrés et respectueux des règles (normalité morale et engagements).

■ Quelques valeurs fondamentales

L’union ou l’attachement au groupe

L’union fait la force. Les Pays-Bas sont avant tout (historiquement) des « Provinces unies » et un des pays fondateurs de « l’Union Européenne ». Les Néerlandais sont puissamment attachés au groupe (le groupe national ou l’intérêt général, la famille, l’équipe). Ce lien forgé dès le plus jeune âge dans la famille (participation active de l’enfant) et à l’école (discussion en cercle quotidienne) est une force « inclusive » et « normative » de la société néerlandaise et de son « vivre ensemble » (classe moyenne, équité et respect des règles). Cet attachement peut être perçu comme une adhésion (valeur positive) ou une soumission (contrainte) au groupe. Cette obligation d’appartenir au groupe (conformisme) est un formatage social qui contribue efficacement à restreindre les excès des passions ou des comportements individuels (rabotage des égos).
Chacun doit tenir compte des autres et s’entraider autant que possible à son niveau. Si cela s’avère nécessaire, la collectivité doit pouvoir garantir à chacun des aides pour vivre décemment.

La paix (vrede)

Les Néerlandais ne supportent ni l’autorité ni le conflit. L’entente sociale est une des conditions de leur bien-être.

L’égalité (gelijkwaardigheid)

Chacun a droit à un traitement égal en droit et à des chances équitables, quels que soit le sexe, l’âge, l’origine ethnique, la religion, la situation sociale, le handicap, etc.. Les droits des minorités sont développés et toute discrimination est réprimée.
Au niveau des individus, cette égalité impose une hiérarchie horizontale de fonctions.
Au niveau des organisations, chacun sait qu’il ne doit pas trop dominer les autres (villes, provinces, entreprises, associations, partis, religions, opinions, groupes, médias, etc.).

L’équité (rechtvaardigheid)

Cette valeur est fondamentale en matière de justice ou dans la recherche de solutions durables ou dans la résolution des conflits. L’équité vise à préserver un équilibre dans les intérêts des paries et à éviter des positions trop dominantes ou déséquilibrées.

La responsabilité (verantwoordelijkheid)

Par l’éthique morale protestante, chacun doit être conscient de l’impact de ses actes et en assumer la responsabilité. L’enfant est très vite confronté à ses propres actes dans un but positif d’auto-apprentissage.

L’intégrité (integriteit)

Il faut être honnête, franc et clair, en toutes circonstances. Chacun a des devoirs envers lui-même et les autres.

La liberté (vrijheid)

Vivre et laisser vivre. Chacun peut faire ce qu’il veut tant qu’il ne dérange pas le groupe ou une autre personne. Les libertés individuelles sont dévéloppées : liberté pour soi et pour les autres de croire ou de ne pas croire (religion), de dire ses opinions (expression), et d’agir (association, politique, économie). Les Néerlandais sont attachés à leur tradition de tolérance (empathie sincère ou indifférence bienveillante) et d’accueil humaniste (migrants religieux tels que les protestants ou les juifs du sud de l’Europe ou intellectuels comme Descartes).
Si la liberté individuelle est conditionnée à l’intérêt supérieur du groupe, l’amplitude de cette liberté est contrastée suivant les circonstances. Le respect des règles et le contrôle social peuvent être perçu comme une atteinte à la liberté individuelle. Par contre, les membres des minorités (ethniques, orientations sexuelles, religieuses, handicap), dont les droits sont mieux reconnus, auront le sentiment d’être plus libres,

La confiance (vertrouw)

La confiance que l’on a en soi-même, et qui fait partie des objectifs éducatifs, permet d’avoir confiance « à priori » dans les autres (lors d’un premier contact par exemple) et dans le système d’organisation (administrations, institutions ou organisations). Elle donne également une ouverture d’esprit vers ce qui est différent et elle permet d’être direct dans la manière de communiquer.

■ Quelques normes comportementales

Ces normes culturelles sont des règles de conduite sociale, des manières d’agir conformes aux attentes. Elles sont induites par l’expression des valeurs fondamentales et des idéaux dominants de la société néerlandaise.

Participation, coopération et consensus

La participation sociale (participatie)
La société néerlandaise est participative et inclusive. Chacun est invité à prendre toute sa place au sein de la société, en exprimant son point de vue et en prenant part aux nécessaires actions communes (votes, enquêtes, aides locales ou familiales, engagements bénévoles, etc.).
Faire de son mieux, plutôt qu’être le meilleur : on demande au Néerlandais de faire de son mieux alors qu’on demande au Français d’être le meilleur. Cette différence essentielle amène beaucoup moins de frustrations, notamment durant la scolarité. Et c’est aussi ce qui facilite la participation de chacun.

La coopération ou le consensus (poldermodel)
Ce modèle trouve une illustration dans les accords politiques dans les années 1980 et 1990 aux Pays-Bas, entre les patrons, les syndicats et les pouvoirs publics et qui sont à l’origine du « miracle économique ». Il représente une capacité à coopérer pour obtenir des résultats où chacun y voit son intérêt (accords gagnants – gagnants).

Réalisme, pragmatisme et efficacité (oplossing gericht)

Le réalisme
Les Néerlandais essaient de « voir le choses en face », et de ne pas trop se « voiler la face ». Lorqu’un problème est identifié, il est traité assez rapidement, ce qui a 2 effets : chercher et trouver une solution, éviter que le problème empire et rende la solution plus difficile (prévenir plutôt que guérir).

Le pragmatisme
Mélange de réalisme et de volonté, ce pragmatisme est une des clés du modèle néerlandais. On prête souvent au célèbre footballeur Johan Cruijf l’adage « chaque inconvénient à son avantage » (elk nadeel heeft zijn voordeel) qui illustre la capacité des Néerlandais à croire en leur capacité à rester positifs, optimistes et volontaires, en toutes circonstances. C’est une des facettes de leur pragmatisme qui les caractérise et qui leur fait préférer l’action (faire) à la parole (penser), la solution au problème.

L’efficacité
Les Néerlandais attachent une importance à l’efficacité de leurs actions : pourquoi sont-elles nécessaires, combien coutent-elles, quand et comment les réaliser, sont des questions quotidiennes. Chaque action se doit d’être efficace, c’est-à-dire d’avoir un résultat conforme à ce qui est attendu en faisant appel au minimum de ressources (effort, personnel, temps et argent). Cette exigence d’efficacité est parfois poussée à l’excès et doit en retour être compensée (les restructurations dans les administrations ou dans le domaine de la santé, et plus largement la recherche de l’optimisation financière et budgétaire créent de grandes tensions et posent de nombreux problèmes).

Conformisme, contrôle social et inclusion

Le conformisme
Chacun doit se conformer aux règles communes.

Le contrôle social
Le groupe a un droit de regard sur chacun (positif quand la personne est en danger, contraignant lorsque c’est un rappel à l’ordre). Dans l’espace public, ou dans son quartier (voisins), il n’est pas rare de se faire rappeler les règles de vie commune (ce qui doit être fait ou pas fait).

L’inclusion
L’attachement au groupe est une puissante force inclusive. L’exclusion est combattue avec détermination, car elle source de problèmes potentiellement plus graves. Les comportements déviants sont traités le plus tôt possible et des réponses sont apportées, autant que possible.

La normalité, la modestie et la maitrise de ses émotions

Le comportement normal
Le grand adage néerlandais « Fais comme tout le monde, c’est déjà assez fou » (Doe maar normaal, dan doe je al gek genoeg) exprime l’exigence de se comporter normalement en toutes circonstances. Cette normalité renvoie aux valeurs fondamentales et à un comportement communément admis (respect, politesse, intérêt du groupe).

La modestie
Les Néerlandais apprennent très tôt que malgré leur confiance en eux, et parfois même leur sentiment de supériorité, ils doivent toujours rester modestes dans leurs paroles et dans leur actes.
L’expression « couper la tête qui dépasse du champ de maïs » (de kop boven het maaiveld steken) exprime l’idée que tout ce qui dépasse la moyenne a des chances d’être rabaissé ou coupé (par exemple se vanter personnellement ou laisser voir des qualités personnelles ou des talents qui contrastent avec la moyenne).

La maitrise de ses émotions
L’expression excessive des émotions est un aveu de faiblesse et sont donc en général maitrisées. L’expression de la colère est perçue négativement comme un manque de contrôle de soi (mais probablement aussi parce que le groupe se sent démuni et ne peut plus apporter de solution).

Le respect des autres et l’empathie

Le respect des autres
Les Néerlandais sont très respectueux des autres (attachement au groupe et équité). Ils respectent leurs engagements (verbaux et écrits) et sont très ponctuels dans leur rendez-vous (pointilleux sur les horaires).

L’empathie
L’attachement au groupe, la confiance, l’équité et la responsabilité, forgent de réelles capacités d’empathies chez les jeunes néerlandais dès leur plus jeune âge.

L’autonomie et l’indépendance

Chacun doit pouvoir vivre de manière autonome et indépendante, subvenir à ses propres besoins. Il doit se développer par lui-même et devenir maitre de son destin autant que possible. Il doit pouvoir s’investir et s’organiser librement sans obligation. Les Néerlandais apprennent très tôt le sens de leurs propre responsabilités ; ils ne se placent pas en victime et n’attendent pas – à priori – l’assistance des pouvoirs publics.

Cet article a été rédigé par Tanguy LE BRETON

Consultant interculturel, spécialiste des Pays-Bas / Tel +31 648912280

Il fait partie des publications suivantes :


– Le dossier « Les Néerlandais et leur culture »
– Le guide de l’expatrié ou résident aux Pays-Bas