François-Joseph Daniel est enseignant-chercheur rattaché au laboratoire Geste (Gestion territoriale de l’eau et de l’environnement). Il a réalisé une thèse de doctorat sur les politiques agroenvironnementales en France et aux Pays-Bas.
La Croix : Les Pays-Bas et l’Allemagne ont dû détruire plus de dix millions d’œufs néerlandais contaminés par un pesticide. Comment expliquer l’ampleur de cette crise ?
François-Joseph Daniel : Le pays est le deuxième exportateur agricole du monde derrière les États-Unis. Avec une densité de population très élevée (502 personnes/km2 en 2015 contre 118 personnes/km2 en France métropolitaine), il a un enjeu historique d’autonomie alimentaire. Mais cela va largement au-delà, avec une forte part de la production destinée à l’exportation.
Dans la deuxième moitié du XXe siècle, les Pays-Bas ont mené une politique d’intensification de l’agriculture, avec notamment tout ce que ça suppose en matière de pollution. Et le complexe agro-industriel hollandais est devenu multinational. Ses principaux pôles sont les secteurs laitier, horticole et céréalier, et il est particulièrement performant en matière de transformation des matières premières.
Comment le secteur agroalimentaire est-il perçu dans l’opinion publique néerlandaise ?
F.-J. D. : Il faut voir les Pays-Bas comme un pays très contrasté avec une segmentation de l’espace et une planification des zones. Il y a d’un côté cette industrie agroalimentaire, et d’un autre un environnementalisme parmi les plus précoces et les plus développés d’Europe, et une filière bio de grande ampleur.
La préoccupation environnementale est orientée sur l’efficacité, avec des objectifs chiffrés très précis. Ils ont une manière de procéder très méticuleuse, contrairement à la France. Mais la méthode reste controversée. Les uns disent qu’il faut soutenir davantage l’agriculture pour améliorer son respect de l’environnement, là où les autres considèrent qu’il ne faut pas gâcher l’argent public pour une agriculture qui pollue.
Enfin, les Néerlandais ont une volonté d’utiliser la nature dans un but récréatif. Ils veulent pouvoir se balader, pédaler dans une campagne belle et saine. Cela a donné lieu à une reconquête des espaces de natures dans les années 1990.
Depuis 30 ou 40 ans, la politique de gestion de l’environnement est perpétuellement occupée par ces tensions.
Comment se présente la politique de contrôle aux Pays-Bas ?
F.-J. D. : Il me semble qu’il y a eu un assez bon contrôle des subventions débloquées pour inciter aux comportements vertueux (rétablissement de haies, de bandes enherbées, réduction des intrants chimiques…). Mais pour autant que je me souvienne, les contrôles dans l’ensemble ne revêtaient pas un caractère dissuasif très fort.
Cela dit, globalement, le droit a tendance à être de moins en moins dissuasif en Europe. Dans l’ensemble, qu’il s’agisse des pesticides ou pas, on peut très facilement contourner les règles.
Recueillit par Mathieu Péquignot