Portrait de Jean Calvin (1509-1564)
(source lepoint.fr – article de François Clavairoly)
Converti au protestantisme, le Français Calvin réfléchit à une Église nouvelle, fondée sur la seule parole de Dieu et le sacrement.
Né à Noyon dans une famille aisée, Jean Calvin (1509-1564) étudie le droit et la théologie. En 1532-1533, il se rallie aux idées réformatrices et rédige, en 1534, la préface de la Bible protestante de son cousin, Pierre Robert Olivetan (1506-1538), la première à paraître en français. Après le 15 octobre 1534 et l’affiche de pamphlets anticatholiques dans plusieurs grandes villes de France, ce qui suscite la colère royale contre les protestants, il se réfugie à Bâle, où il publie en 1536 et en latin sa première version de L’Institution de la religion chrétienne. Sans cesse remanié, constamment réédité et très vite traduit (dès 1541 en français), ce livre est l’œuvre majeure du théologien picard qui se veut d’abord un pédagogue. « Mon but a été de préparer et d’instruire ceux qui voudront s’adonner à l’étude de la théologie, écrit-il. (…) Car je pense avoir rassemblé le sommaire de la religion chrétienne en toutes ses parties… » Cet exposé, le premier ouvrage de théologie protestant paru en français, est introduit par une préface adressée au roi François Ier, que Calvin maintiendra dans toutes ses éditions. Il y défend non seulement la foi réformée, mais rappelle aussi au souverain qu’il est de son devoir d’assurer à ses sujets l’accès à un bon exposé de la foi et de l’Évangile.
Le texte suit le plan des catéchismes de Luther – Loi, Credo, Notre Père, sacrements, etc. – et se déploie principalement à travers des commentaires des textes bibliques : la théologie est art de lire l’Écriture, et il s’agit d’en exposer les thèmes par le biais de l’exégèse. Calvin, juriste et théologien, est avant tout lecteur de la Bible, exégète rompu aux sciences de l’interprétation et connaisseur des langues anciennes, apprises notamment auprès de l’érudit Melchior Wolmar (1497-1561).
Les quatre livres qui composent L’Institution de la religion chrétienne forment ainsi une architecture semblable à celle du Credo, le symbole des apôtres : 1.« Connaître Dieu à titre et en qualité de créateur et souverain gouverneur du monde » (Je crois en Dieu…), 2.« Dieu rédempteur en Jésus-Christ » (le Fils), 3. « La manière de participer à la grâce de Jésus-Christ, des fruits qui nous en reviennent » (l’Esprit), 4. « Les moyens extérieurs dont Dieu se sert pour nous convier à Jésus-Christ » (l’Église).
Toutefois, derrière cette architecture classique, L’Institution laisse apparaître une logique fine d’alliance et de médiation. Le cœur de l’ouvrage est christologique, rappelant que l’alliance ancienne avec les Pères (Israël) perdure et s’ouvre au monde avec la figure du Christ sauveur ; primauté de la grâce de Dieu sur les hommes, certes, mais aussi primauté du Christ sur l’Église, et de l’Écriture sur la tradition. Calvin veut redonner à Dieu l’initiative du salut, dont l’Église atteste, mais dont elle ne dispose pas.
Le livre 4, pour sa part, dont nous présentons ici des extraits, est entièrement dédié à la présentation de la définition et de la vocation de l’Église. L’auteur reprend à son compte la distinction ancienne entre l’Église visible et l’Église invisible, celle que nous ne pouvons connaître et n’avons pas à connaître, comme l’affirme ici le premier extrait. Car « Dieu seul connaît ceux qui sont les siens », puisque c’est « l’élection (qui) est le fondement de l’Église universelle ».
Calvin, ainsi libéré du souci de savoir qui sont les véritables membres de l’Église ou ceux qui appartiennent à Dieu, va développer la réflexion sur ce qu’est l’Église ici-bas, l’Église visible. Et ce développement définit les contours d’une compréhension réformée de ce qu’est l’Église de Jésus-Christ, comme l’explique ici le deuxième extrait (« Partout où nous voyons la parole de Dieu être prêchée et écoutée…)
Cette définition fondée sur deux critères principaux (les deux « marques ») que sont la parole et le sacrement autorisera le protestantisme à offrir une nouvelle vision et compréhension de l’Église, qui écarte du cœur même de cette définition les éléments requis par le catholicisme : la succession historique dans le ministère épiscopal, la constitution hiérarchique de l’Église ou encore la primauté de Rome.