Mardi 16 mai, le conseil municipal d’Amsterdam, la capitale du Royaume des Pays-Bas, a ouvert une maison close à De Wallen — le célèbre Quartier Rouge de la ville. Objectif affiché ? Améliorer les conditions de travail des prostituées en leur permettant de s’autogérer.
(Photo Flickr/ vittorio sciosia)
Bien que techniquement ouverte par la mairie d’Amsterdam, la dernière maison close a voir le jour dans la capitale néerlandaise, d’ores et déjà affublée du sobriquet de « bordel municipal », ne sera pas gérée par des employés municipaux. Non, les quatorze « vitrines » de De Wallen — le Quartier Rouge de la ville, réseau de petites ruelles où la prostitution est légale — seront autogérées par la quarantaine de filles qu’elles accueilleront, nous apprend un récent article de The Guardian.
« C’est un tout nouveau modèle », commente Marieke de Ridder, membre du conseil d’administration de la fondation My Red Light, premier réseau de travailleurs du sexe indépendants du pays. Il faut dire que c’est sa fondation, où les filles de joie tiennent un rôle prépondérant, qui est à l’origine de ce projet novateur qui aura mis plusieurs années à voir le jour.
« Tout dans ce projet, des statuts à la décoration des chambres, a été imaginé par les travailleuses du sexe », commente une prostituée dans les pages du quotidien britannique. « J’ose espérer que My Red Light offrira des espaces de travail agréables, où les travailleuses du sexe peuvent être elles-mêmes et avoir le sentiment d’être les bienvenues ». Résultat : les chambres seraient en moyenne plus grandes, plus colorées et mieux équipées que dans le reste du Quartier Rouge.
Aux Pays-Bas, la prostitution est légale depuis 2000. Pour ouvrir une maison close, il est cependant nécessaire d’obtenir un permis et de respecter le règlement municipal. Avec cette légalisation, le pays espérait réussir à assainir l’industrie du sexe et permettre aux prostitué(e)s de gagner leur vie sans avoir à dépendre d’un proxénète. Problème : Tout ne s’est pas passé comme prévu et Amsterdam demeure, encore aujourd’hui, une plaque tournante du trafic d’êtres humains, souvent organisé par des réseaux mafieux d’Europe de l’Est.
Dans le but de combattre le crime organisé, la capitale néerlandaise a fait fermer depuis 2007 plus de 100 « vitrines » du Quartier Rouge, indique le site d’information DutchNews.nl. Cependant, cette politique n’aurait fait que compliquer encore un peu plus la vie des prostituées dans la mesure où, de par leur rareté, les loyers des vitrines ont fortement augmenté. Ainsi, comme le rapporte le Guardian, certains propriétaires n’ont pas hésité à exiger des filles qu’elles payent pour utiliser les « vitrines » même lorsqu’elles ne travaillaient pas pour cause de vacances ou de maladie.
Avec son « bordel municipal », présent dans quatre immeubles rachetés par la ville en 2007 dans le cadre d’une opération mains propres avant d’être vendus à un Fonds d’investissement social, Eberhard van der Laan, le maire de la ville, espère maintenant réussir à renverser la vapeur, tout en améliorant les conditions de travail des filles. La mairie insiste bien sur le fait qu’elle ne tient aucun rôle dans la gestion l’établissement, comme le précise Sonja Pol, responsable du programme pour la ville : « Le maire a fait tout ce qui était en son pouvoir pour aider à lancer le projet : une étude de faisabilité, une analyse de risques, amener les différents partis autour de la table, trouver des investisseurs et des partenaires financiers. En revanche, nous ne jouons plus aucun rôle dans le projet — nous surveillerons juste
Cet accord semble très bien convenir à la fondation My Red Light. Pour pour se lancer, elle a obtenu un prêt de la banque néerlandaise Rabobank et bénéficie également des conseils de l’établissement de santé HVO-Querido. « Les travailleuses du sexe fixeront leurs propres termes et leurs horaires », détaille Marieke de Ridder. De son côté, la fondation a fixé le loyer d’une vitrine à 80€ pendant la journée et le double le soir et la nuit.
« Il y aura aussi plus de contrôle social, parce que les travailleuses du sexe de My Red Light seront plus impliquées les unes par rapport aux autres. Il y a un salon spécial où elles peuvent boire du thé et discuter — les clients n’y sont pas autorisés. Nous espérons qu’elles s’entraideront en matière de négociation et de gestion des clients désagréables ». Marieke de Ridder ajoute que des cours de massage, mais aussi de comptabilité et de fiscalité du travail, sont également prévus.
« Nous sommes très excités par cette expérience », conclut-elle, « parce que si cela fonctionne, nous aurons un tout nouveau modèle pour la prostitution. Nous sommes également anxieux de voir comment les habitants du quartier et les loueurs de vitrines vont réagir sur le long terme. Vont-ils embrasser [notre modèle] ou se retourner contre lui ? »